C’est une des questions que soulève le Fondation Jean Jaurès dans son étude « Quand les classes favorisées ont fait sécession ». De 1982 à 2017, la composition de la population active s’est profondément modifiée à Paris mais aussi à Lyon, Toulouse, Strasbourg ou Nantes. Un phénomène de gentrification qui se répercute aussi dans les écoles, les plus aisés privilégiant les établissements privés. La hausse des prix alimenterait-elle ce phénomène ? Eléments de réponse. C’est un fait, dans les grandes villes, les prix ne cessent d’augmenter. En seulement un an, ils ont même progressé de +7,8% à Paris, de +14,3% à Bordeaux, de +8,2% à Lille, de +8,4% à Saint-Etienne, de +9,1% à Lyon, de +5,9% à Nantes, de +6,8% à Reims et de +5,1% à Dijon, selon le dernier baromètre des prix des appartements anciens LPI-SeLoger. Si à Saint-Etienne les prix moyens sont encore abordables malgré les hausses avec 1 394 euros/m² en moyenne, ils s’envolent à Paris avec 9 453 euros/m². Ils grimpent aussi à Bordeaux avec 4 367 euros/m² et Lyon 4 361 euros/m². Les taux bas en vigueur ces dernières années ont toutefois favorisé le pouvoir d’achat immobilier des particuliers et « limité » les effets de ces hausses. Une progression des prix de 248% à Bordeaux entre 1997 et 2016 Les Notaires de Paris-Ile-de-France ont comparé l’évolution des prix entre 1997 et 2016 dans 17 métropoles (hors Paris). A Bordeaux, ils ont bondi de +248% pour les appartements anciens et de +215% pour les maisons. A Lyon et Toulouse, même tendance, avec une hausse de +203% pour les appartements lyonnais et +198% pour les appartements toulousains. Le développement de ces grandes villes, l’arrivée de la LGV par exemple, explique en partie le mouvement haussier. Phénomène de gentrification dans les grandes villes Les prix élevés participent à l’embourgeoisement des grandes villes. Une récente étude de la Fondation Jean Jaurès révèle un phénomène « presque invisible à l’œil nu » mais « bien réel » : la sécession des classes favorisées et surtout, l’exclusion progressive des classes moyennes. En 20 ans, les courbes se sont inversées. Si dans les années 80 les cadres et les professions intellectuelles supérieures étaient en minorité dans les grandes villes, principalement à Paris, aujourd’hui, les employés et les ouvriers ont perdu du terrain. En attestent les chiffres de l’étude. On voit clairement que la part des cadres est en hausse à Paris et dépasse largement celle des employés. Celle des ouvriers est en chute depuis 1982. Même constat en régions, notamment à Lyon, Toulouse, Nantes et Strasbourg. On assiste à une diminution progressive, mais certaine, de la part des catégories populaires par rapport à l’augmentation de celle des cadres. Paris, une ville pour classes aisées Avec un prix moyen de plus de 9 000 euros/m², le ticket d’entrée pour devenir propriétaire dans la capitale est déjà très élevé. Mais il s’agit d’une moyenne. Dans certains arrondissements, le prix moyen la dépasse largement. Elle culmine par exemple à 13 000 euros dans le 6ème et le 7ème. Des prix inabordables pour le commun des mortels. Nous constatons d’ailleurs qu’en 2017, les revenus des emprunteurs qui sont passés par Meilleurtaux pour une acquisition dans la capitale sont nettement plus importants que la moyenne nationale. La capacité d'emprunt étant déterminée par le niveau de revenus, plus ils seront élevés plus l'acquéreur pourra emprunter. Pour preuve, le niveau de revenus était de : 8 162 euros nets en moyenne à Paris, 5 134 euros sur la France entière (IDF incluse), 4 318 euros hors IDF. Les CSP+ font bande à part sur les bancs de l’école Le rapport de la Fondation Jean Jaurès alerte sur « l’exclusion » progressive des classes populaires et pose la question suivante : à l’instar de Paris, les autres métropoles françaises deviendront-elles inaccessibles pour elles dans les prochaines années ? C’est ce que semblent indiquer les résultats de son étude qui pointe également du doigt une autre conséquence de l’embourgeoisement des grandes villes. Une conséquence visible… sur les bancs d’école. Entre 2002 et 2012, l’origine sociale des enfants scolarisés dans le public ou dans le privé a évolué. En 10 ans, les enfants des classes sociales favorisées ont « massivement » rejoint les bancs d’écoles privées. Les enfants des classes défavorisées sont eux principalement scolarisés dans des établissements publics. Ces statistiques nationales masquent des disparités encore plus tranchées dans certaines académies et dans les grandes agglomérations. Du fait de la sectorisation, la ségrégation sociale atteint ainsi des sommets entre les 175 collèges parisiens. Et, comme l’ont montré les travaux de l’économiste Julien Grenet, les collèges scolarisant les plus faibles proportions d’enfants issus de milieux défavorisés appartiennent dans leur écrasante majorité à l’enseignement privé Jérôme Fourquet Directeur du département "Opinion et stratégies d’entreprise", Ifop auteur de l’étude. Un phénomène qui met à mal le principe de mixité sociale…