L’érosion constitue actuellement une problématique de taille touchant le littoral français. Les tempêtes consécutives ne font qu’amenuiser les côtes. Un bâtiment construit il y a une cinquantaine d’années se trouvait, à l’origine, à 200 m de la mer. Aujourd’hui, il n’est plus qu’à 20 m de distance. Les dangers de cette forte érosion côtière ne semblent pas décourager les acheteurs. Situé en Gironde dans la station balnéaire de Soulac-sur-Mer, un immeuble de 78 logements a été abandonné par les propriétaires. En effet, un glissement redoutable rapproche de plus en plus la construction à l’océan. Cependant, l’envie de se retrouver dans son habitation et de disposer d’une vue imprenable ne rebute pas les clients potentiels. Grégoire Artiguelouve est directeur de plusieurs agences immobilières sur la côte Atlantique. Il affirme que l’avancée du trait de côte ne semble pas repousser les acheteurs. Bien au contraire, la demande est toujours très importante. Un autre professionnel du secteur n’appréhende une éventuelle baisse des ventes malgré les menaces et les problèmes d’érosion. Les autorités réagissent Pour parer aux dégâts de l’érosion, le Parlement agit en créant la loi Climat et Résilience d'août 2021. Elle met en place des outils qui sont censés accompagner les villes face au péril imminent. Cette nouvelle loi oblige les propriétaires et les agents immobiliers à ne pas garder des informations importantes pour eux. Dès la première visite, les acheteurs, même en cas de prêt immobilier, doivent être informés sur les éventuels risques d’érosion côtière. Un décret sorti au printemps établi également une liste énumérant les 126 communes les plus touchées. Ce décret ordonne aux communes de créer un système de cartographie. Le but de ce suivi est également de pouvoir empêcher toutes les constructions à risque. Cependant, aucun financement n’est prévu. Sophie Panonacle, députée de la Gironde, tire la sonnette d’alarme. Elle appelle à l’action et à la prise de mesures immédiates. Alors que l’érosion s’aggrave, les moyens affectés à la protection du trait de côte sont manifestement insuffisants. Elle conteste personnellement le projet de loi de finances 2023 qui cherche à établir un « fonds érosion côtière ». C’est une taxe prélevée sur les droits de mutation. Selon elle, le fonds profiterait uniquement aux communes. De ce fait, les particuliers seraient en reste. Malgré l’érosion, les achats se multiplient Stanislas Desforges, directeur de l'agence Jeanne d'Arc Immobilier de Rouen, s’est également prononcé sur le sujet. Selon lui, les acquéreurs recherchent de plus en plus des propriétés côtières avec une vue imprenable sur la mer. Le prix a augmenté de 20 % en seulement deux ans et peut encore grimper, il s’estime actuellement autour de 3 500 euros le mètre carré. Plutôt emballés, après confinement en juillet 2021, les acheteurs parisiens se sont rués vers les côtes. Au cours des cinq dernières années, un expert immobilier a constaté une flambée des prix à Rouen. Il en est de même à Saint-Nazaire. Les chiffres indiquent respectivement + 33 % à 2 847 euros le mètre carré et + 83 % à 3 229 euros le mètre carré. Les vendeurs profitent des circonstances pour conclure des ventes fructueuses. Les acheteurs semblent pourtant ne pas se poser de questions sur le sujet. Grégoire Artiguelouve fait remarquer que l’achat représente un plaisir pour eux au point de minimiser les enjeux de l’érosion. Par rapport à la position d’il y a un demi-siècle, le trait de côte a pris un recul de 20 %. Cela a fait disparaitre environ 30 km² de terres, précise l’indicateur national de l'érosion côtière. Les experts estiment une perte de valeur immobilière pouvant atteindre les 8 milliards d'euros sur les années à venir.