Ces dernières années, les grues et les engins de construction font partie intégrante du visage urbain de Lhassa, la capitale du Tibet. La frénésie immobilière gagne ce petit pays situé « sur le toit du monde » et qui était encore isolé il y a quelques décennies. C’est la conséquence de l’arrivée massive des investissements chinois. Mais ce boom immobilier masque aussi les inégalités de richesse entre les habitants. Accélération de la modernisation Pékin ne cache pas son ambition de promouvoir son modèle dans cette région autonome du Tibet. Le gouvernement chinois entend la moderniser en investissant grandement dans les infrastructures (réseaux routiers, chemins de fer, aéroports…), les tours d’immeubles, etc. Dans la capitale de 860 000 habitants, l’immobilier a le vent en poupe. Environ un million de mètres carrés de logements neufs y ont trouvé preneur en 2020, soit une progression de +28 % par rapport à 2019. Des dizaines de nouveaux programmes immobiliers, notamment des appartements haut de gamme, attendent aujourd’hui preneurs. Un marché immobilier marqué par de fortes inégalitaire Cependant, pour être candidat à la propriété, il faut être fonctionnaire, Andrew Fischer Explique Andrew Fischer, professeur à l’Université Erasme à Rotterdam (Pays-Bas). Important Dans un pays où les taux immobilier restent élevés, c’est pratiquement le seul moyen de disposer de suffisamment d’argent pour s’offrir des biens immobiliers vendus à des prix équivalents à ceux de logements résidentiels dans des villes chinoises moyennes. Or, la plupart des postes de fonctionnaires sont majoritairement attribués aux Tibétains et aux Chinois Hans. Résultat : les chances d’accéder à la propriété sont quasiment nulles pour les migrants provenant des campagnes tibétaines ne maîtrisant pas la langue chinoise et illettrés, Andrew Fischer Regrette Emily Yeh, enseignante à l’Université du Colorado à Boulder (États-Unis). Et même pour les Tibétains diplômés de l’enseignement supérieur (près de 10 % de la population), il est difficile de trouver un emploi dans la fonction publique. En effet, ils doivent entrer en compétition avec les Hans qui parlent couramment le chinois et qui représentent désormais 12 % de la population régionale. Quid de l’identité tibétaine ? Cette course à la modernité n’est pas sans conséquence sur la conservation de l’identité et la culture des Tibétains. Les habitants de ce haut lieu du bouddhisme désertent progressivement leur habitat traditionnel pour laisser le champ libre aux acteurs économiques. Les monuments symboliques comme le temple du Jokhang, qui est le cœur spirituel de Lhassa, côtoient désormais des immeubles au design ultra-moderne.