De nombreux acteurs du crédit immobilier, notamment les courtiers, souhaitent réviser le mode de calcul du taux d’usure. Débattu, ce changement est non partagé par certaines associations de consommateurs, comme l’association de Consommation Logement Cadre de vie. Le taux d'usure pour les prêts immobiliers de 20 ans ou plus est à son plus bas niveau historique depuis le 1er avril (2,40%). En parallèle, les taux de crédit immobilier remontent sous le coup de l'inflation. Ce qui complique l'accès au crédit pour beaucoup d'emprunteurs qui se retrouvent pris dans un « effet ciseau ». Certains acteurs souhaitent corriger cet effet pervers. Calcul actuel du taux d’usure A la fin de chaque trimestre, le Journal Officiel publie un avis qui définit les seuils de l’usure pour le trimestre à venir. Le taux d'usure ou seuil d’usure, se définit comme le taux annuel effectif global (TAEG) maximal légal auquel les établissements de crédit sont autorisés à octroyer un prêt. C’est la Banque de France qui fixe ce taux d'usure, sur la base des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit sur le trimestre précédent, majorés d'un tiers. Les seuils varient en fonction de la nature de l'emprunt, de sa durée et du type de crédit. Trois soucis majeurs relevés Si le taux de crédit est élevé, la marge d'un tiers sera d’autant plus importante. Cependant, avec les taux du premier trimestre 2022, autour de 1%, la marge est bien plus mince. La temporalité est un autre problème soulevé. Puisque la Banque de France calcule les taux sur les trois derniers mois, il y a un écart. Ce décalage n’est pas problématique lorsque les taux de crédit baissent mais il l’est, comme en 2022, quand les taux immobiliers augmentent alors que le taux d'usure diminue. Si l’on inclut les frais annexes tels que les frais d’assurances, le plafond du taux d’usure est vite atteint. C’est ce qu’on appelle « l’effet ciseau » et cela bloque alors la validation de plusieurs dossiers. Dernier souci relevé, seuls les crédits accordés sont pris en compte pour le calcul. Alors lorsqu’un dossier est refusé à cause d'un taux qui dépasse le taux d’usure, il n'est pas pris en compte pour le prochain calcul. Ce qui renforce là encore cet “effet ciseau”. Des solutions débattues Selon Bruno Rouleau, président de l'Association professionnelle des intermédiaires en crédits (Apic) il faudrait tout d’abord exclure du calcul du TAEG l'assurance emprunteur et d’autres frais qui gonflent le taux. Il estime aussi qu’il pourrait être intéressant d’établir une marge fixe de 1,50%, en prenant l'exemple suivant : « Quand on a un taux de 5% que l'on majore de 30% il y a 1,50% de marge. Quand vous avez un taux à 1% il n'y a que 0,33%. Ce qui veut dire que vous ne pouvez pas absorber de grosses évolutions de taux à la hausse. Il faudrait donc installer une sorte de marge minimum. » Pour François Carlier, délégué général de la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), il semble peu judicieux de changer cette méthode de calcul. Disposer d'un cadre permet d'éviter des dérapages vus dans certains pays anglo-saxons avec des taux devenus explosifs. D’autre part, Guillaume Réveillard, directeur associé conseil banque de détail au sein du cabinet Ailancy, estime dans une interview réalisée par MoneyVox que le taux d'usure actuel serait davantage un problème pour les courtiers que pour les emprunteurs mais mériterait toutefois d’être révisé plus régulièrement : « La Banque de France pourrait le recalculer plus souvent, pourquoi pas mensuellement comme la révision des taux chez certaines banques. » Tandis que les prochains mois s'annoncent difficiles pour les personnes souhaitant souscrire un crédit immobilier, le gouvernement affirmait dernièrement vouloir « que les ménages puissent continuer à financer leurs achats immobiliers. » Au point d'envisager de réviser les règles ?