De la variation de la demande et de l’offre dépend l’évolution du prix d’un produit. Il en est de même pour les tarifs de location immobilière. Ce qui explique également la hausse tendancielle des loyers dans les grandes agglomérations même si l’Exécutif tend souvent à leur tenir la bride courte. Une initiative qui ne manque pas pourtant d’inconvénients. La forte concentration de populations et d’activités en milieu urbain est devenue un phénomène mondial. Une tendance qui impacte grandement le marché de l’habitation locative, ne serait-ce que de citer la flambée des loyers face au nombre des demandes. Et étant donné que l’évolution des salaires ne suit pas forcément le rythme, l’accès au logement devient problématique. La solution la plus rapide serait alors de plafonner les tarifs. Efficace a priori, d’autant que les effets sont immédiatement ressentis par les locataires. Sans oublier les avantages qu’offre cette stabilité, en termes d’investissement. Mais des chercheurs américains ont soulevé le fait que c’est le marché locatif même qui en paie le prix, ce qui au final désavantagerait quand même les occupants des lieux. Une stabilité sur tous les plans L’accès à l’habitat est une priorité pour chaque ménage. Cependant, il n’est devenu difficile d’en disposer, surtout dans les grandes villes où la crise du logement subsiste. Cette dernière s’apparente à une augmentation constante des loyers, ce qui alourdit nettement les dépenses des occupants, dont les revenus demeurent pourtant stagnants. Sans oublier les cotisations d’assurance habitation locataire qui s’ajoutent encore au budget. Conscients de cette situation, les pouvoirs publics ont toujours fait du contrôle des loyers leur cheval de bataille. Il faut dire que cette initiative favorise directement les locataires, notamment les minorités à situation précaire, et les motive à occuper les lieux pendant une durée plus longue. C’est du moins ce qu’a révélé l’étude du cas de San Francisco lorsque le gouvernement y a fixé arbitrairement les loyers en 1979 et en 1994. La chercheuse Rebecca Diamond et ses collègues de Stanford ont alors observé une réduction des départs de 20 %. Une garantie de stabilité pour le moins précieuse pour ces ménages, d’une part, qui peuvent rester à proximité de leur lieu de travail, voire développer leur réseau d’amis et de connaissances. D’autre part, il s’agit aussi d’un incomparable atout pour les propriétaires-bailleurs qui peuvent jouir d’un revenu financier constant et d’une grande visibilité sur la continuité de la location grâce à des baux de long terme. En outre, les dépenses afférentes aux travaux sont pour eux moins importantes étant donné que les locataires sont plus engagés dans la préservation de l’état des lieux que les occupants de passage. Le constat d’un gestionnaire de fonds qui possédait pour plus de 4 milliards d’euros de biens en location en Allemagne et au Royaume-Uni en témoigne. L’investissement en territoire allemand, où les loyers sont plafonnés, est plus fructueux que celui en territoire britannique, à raison d’un revenu net supérieur de 10 à 15%. Une mesure pénalisante, à tout bien réfléchi Le contrôle des loyers a pour objectif de protéger les locataires. Du point de vue macroéconomique, pourtant, cette mesure tend à révéler des conséquences contre-productives pour ces derniers. D’où la question posée par le chercheur, Fabrice Larceneux, travaillant au sein du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : Le contrôle des loyers, une vraie fausse bonne idée ? Fabrice Larceneux L’enquête menée par Rebecca Diamond et compagnie démontre une autre facette de ce plafonnement de tarifs dont les effets sont loin d’être bénéfiques pour le marché locatif. Las des mesures contraignantes, les propriétaires sont tentés de céder leurs biens à de nouveaux accédants qui vont occuper l’habitation nouvellement acquise. Ce qui risque de restreindre davantage les offres et ainsi de renchérir les loyers dans les zones non contrôlées. Cette situation suscite aussi une inertie du marché étant donné que les locataires n’auront aucune raison de quitter les lieux en dépit de l’évolution de leurs besoins au fil des années. Cette absence de « turnover » pénalise indubitablement les autres familles, dont les besoins peuvent être plus conformes aux logements déjà occupés. Côté investissement, le non-réajustement des loyers impacte dans le fond sur les gains des investisseurs étant donné la fluctuation des prix des biens de consommation. Si bien qu’ils sont moins motivés à opérer des travaux d’entretien. Ce qui favorise la dégradation du parc de logements locatifs. Sans parler du fait que les chantiers de construction risquent d’être freinés en raison d’une moindre rentabilité commerciale des projets immobiliers.