L’Exécutif et les syndicats se sont livrés, depuis un certain temps, à un bras de fer. Et ce n’est pas près de s’arrêter. En cause : la question sur l’âge pivot qui a été intégrée dans la réforme gouvernementale concernant les retraites. Un seuil qui ne convient pas à tout le monde, selon les contestataires. D’autant qu’il s’élève au même niveau que l'espérance de vie sans incapacité, un indicateur qui fait aussi débat. Les avancées technologiques et médicales ont favorisé l’espérance de vie de la population mondiale, ces dernières années. Pour les Français, entre autres, elle remonte jusqu’à 85 ans pour les femmes. Mais cet exploit semble terni par l’indicateur « espérance de vie en bonne santé » qui dépasse à peine les 64 ans, se trouvant alors en deçà de la moyenne européenne. Cette estimation est d’ailleurs une source de débat actuellement, principalement à cause de l’échantillon quelque peu restreint ayant permis d’aboutir à ce chiffre. Mais aussi en raison de l’évolution incontestable de l’état de santé d’année en année. Ce qui ramène sur le tapis un autre sujet délicat, qui n’est autre que l’âge de départ à la retraite qui est également fixé à 64 ans. Les contestations font fureur Refondre en profondeur le système de retraite français, c’est l’objectif que s’était fixé Matignon. Mais sa réalisation ne se déroule pas sans embûche puisqu’un conflit social s’en est suivi. Certes, les pouvoirs publics se montrent disposés à fléchir, notamment en ce qui concerne l’âge pivot, mais c’est sans compter sur la coopération du patron de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) qui reste ferme sur sa position. Selon lui : « Il nous a redit qu'il tenait à cet âge d'équilibre. On lui a redit que ce n'était pas une option pour nous ». Et il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir cette opinion puisque pas plus tard que le mois d’août dernier, cet âge, fixé à 64 ans, auquel on peut prétendre à une retraite à taux plein a fait l’objet d’une critique pour se trouver au-dessus de l’espérance de vie en bonne santé qui est estimée aujourd’hui à 64,5 ans pour les femmes et à 63,4 ans pour les hommes. Au député Adrien Quatennens de déplorer : « On va assumer de dire aux gens : « quand où vous allez partir en retraite, ça correspond statistiquement au moment où vous avez les premiers pépins de santé qui arrivent ». Adrien Quatennens. Au démographe de l’Ined (Institut national des études démographiques) et professeur au muséum d'histoire naturelle, Gilles Pison d’ajouter : « Cet indicateur répond à une question légitime. Quand une personne part à la retraite, combien d'années lui reste-t-il à vivre ? Et combien d'années en bonne santé ? Parce que des années en situation de handicap ne permettent pas la même qualité de vie ». Gilles Pison. De nombreuses remises en question Il faut savoir que cet indicateur est indispensable lors des diverses comparaisons sociales dans un même pays, notamment en ce qui concerne le niveau de vie. Ainsi s’expliquent les regrets des docteurs Alfred Spira et Françoise Sivignon sur la non-considération des données d'espérance de vie en bonne santé dans le projet de réforme des retraites. De son côté, Gilles Pison, pointe du doigt son caractère stagnant alors que, selon lui, l’état de santé d’un individu devrait évoluer avec le temps, et ce, en fonction des progrès médicaux. Et force est de constater que le système connait de grandes révolutions, ne serait-ce que de citer la prise en charge quasi complète des dépenses de soins par l’Assurance maladie et la mutuelle santé. D’après le démographe : « Les exigences des Français dans le domaine de la santé ne sont pas les mêmes qu'il y a 20 ans et donc les gens n'évaluent pas leur état de santé comme il y a 20 ou 40 ans ». Gilles Pison Il soulève aussi le fait que le seuil a été fixé après avoir interrogé un panel limité – de 14 000 foyers environ l’année dernière. Enfin, la logique des résultats a été remise en question. C’est le cas, par exemple, des Finlandaises qui détiennent une espérance de vie de 84,5 ans alors que le nombre d'années qu’elles espèrent vivre sans souffrir d'incapacité dans leurs gestes de la vie quotidienne s’élève à 58,3 ans seulement (pour les Suédoises, elle est estimée à 84,1 ans pour une espérance de vie en bonne santé de 73,2 ans).