Via son opérateur national dédié aux ventes de HLM, Action Logement vient de lancer un deuxième appel à projets en vue de céder ces logements sociaux aux occupants. L’initiative devrait aider à financer d’autres programmes de construction ou de réhabilitation dans l’Hexagone. Toutefois, les professionnels et les institutionnels sont assez dubitatifs quant au bien-fondé de cette démarche. L’idée de vendre des HLM à des locataires provoque une vive polémique en France. Le débat est désormais relancé eu égard à la situation actuelle. En effet, sous l’impulsion de l’exécutif, Action Logement a créé cette année un ONV (Opérateur national de vente) pour les HLM. Suite à un premier appel à projets, l’organisme a rendu éligibles à la vente 5 224 logements et 187 biens immobiliers. Plus de la moitié d’entre eux sont situés en zones « tendues » et environ 20 % se trouvent en Île-de-France. Lors du dernier Congrès HLM, Action Logement a par ailleurs annoncé le lancement d’un second appel à projets pour mener à bien sa mission. Un sujet délicat L’ONV d'Action Logement dispose actuellement d’un budget d’un milliard d'euros. Il a encore besoin de 3 milliards d’euros supplémentaires pour ses projets d’investissements. En effet, sa mission consiste à racheter des HLM aux bailleurs, par bloc ou par lot, et à les revendre à prix réduit aux locataires. À travers ce système, les organismes HLM pourront récupérer rapidement les fonds bloqués dans ces biens immobiliers pour les réinvestir dans la construction de nouveaux logements sociaux. Selon l’USH (Union sociale pour l'habitat), l’objectif à terme est de vendre 1 % du parc social chaque année, soit 45 000 biens, contre 9 800 logements l’an dernier. En réponse à leurs détracteurs, les responsables du programme ont tenu à calmer les inquiétudes concernant un éventuel démantèlement du parc social français. La proportion cédée a ainsi été limitée. Selon le président d'Action Logement, Bruno Arcadipane : Chaque logement vendu permettra d'en construire ou d'en réhabiliter 2,5. Bruno Arcadipane Les principaux opposants à cette initiative comptent plusieurs maires dans leurs rangs. En effet, s’ils sont mis en vente, les HLM sortiront de leurs quotas SRU (loi sur la solidarité et le renouvellement urbains). Cette réglementation oblige pourtant leurs communes à proposer des logements sociaux à hauteur de 20 % de leur parc immobilier. De plus, des villes comme Paris font également face à des problèmes spécifiques. Comme le souligne la maire de la capitale, Anne Hidalgo, lors du dernier Congrès HLM : À Paris, nous sommes opposés à la vente des logements sociaux. Car les logements que nous vendrions, nous serions incapables de les remplacer à l'intérieur de la capitale. Anne Hidalgo Une idée discutable dans la pratique La possession d’une maison ou d’un appartement génère de nombreuses dépenses, incluant l’assurance habitation, les impôts, la maintenance, etc. Une fois devenus propriétaires, les anciens locataires de HLM seront nécessairement confrontés à ces nouvelles obligations. Pourtant, les ménages qui occupent les logements sociaux sont essentiellement définis par leur fragilité économique. De ce fait, il est assez difficile d’imaginer qu’ils auront les moyens de s’acquitter des charges liées au bien immobilier. Cette situation risque alors d’accentuer le phénomène des copropriétés dégradées contre lequel le gouvernement s’efforce de lutter actuellement. D’ailleurs, l’idée même de leur vendre ces biens se révèle problématique. Même si des conditions avantageuses seront mises en place, la transaction exigera toujours un apport personnel de la part de l’acheteur qui ne pourra pas nécessairement le compléter avec les moyens existants. Comme l’explique la directrice générale de l'USH, Marianne Louis : Les locataires en place ne peuvent pas forcément acheter : ils n'en ont pas les moyens ou sont trop âgés pour contracter un emprunt. Marianne Louis De ce fait, les vrais locataires des logements sociaux risquent de se retrouver exclus de la transaction au profit d’autres acheteurs. Ce scénario se produit d’ailleurs dans 2 cas sur 3, selon l’USH. En 2018, cette pratique a concerné 34 % des ventes. Dans 24 % des cas, les logements ont été vendus à d'autres occupants. Par ailleurs, 42 % de ces biens ont été cédés à des non-locataires de HLM. Au final, la démarche ne permet donc pas de résoudre efficacement le problème de la population cible.