La trêve hivernale a commencé il y a quelques jours, offrant un répit aux locataires français en situation financière précaire. Mais ce n’est que temporaire, car passé le 31 mars, une procédure d'expulsion peut être engagée à leur encontre à défaut de régularisation de leurs loyers impayés. Ces dernières années, ils sont de plus en plus nombreux à vivre cette situation. Le non-respect des clauses résolutoires d’un bail par le locataire, notamment une cessation de paiement des loyers et charges afférentes à la location, peut entraîner la résiliation de plein droit du contrat. Le propriétaire sera alors contraint d’engager des procédures d’expulsion. Toujours est-il que le départ quelque peu forcé peut bouleverser le quotidien de la famille expulsée et aura de graves conséquences sur son relogement futur. D’où la nécessité d’établir un accompagnement social plus adapté, voire juridique. Une initiative que la Fondation Abbé-Pierre qualifie d’urgente étant donné la forte recrudescence des renvois effectifs. En effet, rien que l’année dernière, plus de 30 000 personnes ont été mises à la rue, avec l’intervention de la police. Sans compter celles qui sont parties d’elles-mêmes suite aux menaces et aux pressions. Un nombre à tendance fortement haussière Plusieurs raisons peuvent conduire à l’expulsion d’un locataire, dont le non renouvellement de son assurance habitation, le trouble de la tranquillité de l'immeuble, la sous-location de son logement, ou encore la réalisation de travaux sans autorisation. ImportantMais dans la majorité des cas (77%), la résiliation précipitée du bail résulte d’impayés de loyer. C’est du moins ce qu’a conclu la Fondation Abbé-Pierre après avoir analysé les informations recueillies par ses 95 bénévoles qui s’activent sur la plateforme téléphonique « Allô prévention expulsion ». Et il faut dire que ces arriérés ont été suscités par plusieurs catalyseurs : Une perte ou un changement d’emploi (40%) ; Des événements bouleversants dans la vie, tels qu’un divorce ou une séparation (17%) ; Des problèmes de santé (17%) ; Une dépense imprévue (moins de 7%) ; Un conflit avec le bailleur ; L’augmentation du loyer (1%) ImportantCertes, le gouvernement a déjà élaboré des mesures préventives il y a de cela quelques années, qui se sont d’ailleurs soldées par une réduction des décisions d’expulsion prises par les tribunaux. Pas pour autant tangibles jusqu’ici, d’après les appréciations de Marie Rothhahn, chargée de mission juridique de l’organisme social. De fait, le nombre d’expulsions locatives a continué d’atteindre un niveau record l’an dernier, avec près de 16 000 ménages, soit 36 000 personnes délogés. À préciser que ceux qui ont déballé leurs affaires avant l’arrivée des forces de l’ordre sont deux à trois fois plus nombreux. ImportantLa hausse est estimée à 152% entre 2001 et 2018 pour un minimum de 295 000 individus expulsés en l’espace d’une décennie. Une situation qui aurait pu être évitée En raison de ce contexte quelque peu déplorable, la fondation sollicite la mise en place d’une solution d’urgence. Une demande qui n’est pas une grande première puisqu’en fin mars dernier, elle a déjà réclamé une mobilisation de 100 millions d’euros auprès de l’État. Une somme qui pourrait, entre autres, permettre d’optimiser le fonds d'indemnisation des bailleurs, s’apparentant à une assurance loyer impayé. Un fonds qui n’a eu de cesse d’être révisé à la baisse au cours des dernières années, allant de 78 millions d’euros à 24 millions entre 2005 et 2017. Sans parler du silence apparent face aux propositions de l’Abbé-Pierre lors de l’annonce de l’acte II du plan quinquennal intitulé « Logement d’Abord ». L’organisme pointe du doigt : La politique du logement actuelle et le projet de loi de finances, actant des coupes massives dans les APL et le monde HLM, qui semblent incompatibles avec une véritable prévention des expulsions. Force est pourtant de constater que les foyers mis à la rue ressentent leur expulsion comme une injustice supplémentaire aux événements douloureux qu’ils ont déjà à affronter. Pire encore, ils sont moins de 4% à faire valoir leur droit à un logement opposable à cause d’un manque d’informations ou d’encouragements. L’Abbé-Pierre se désole que : Ils laissent passer la procédure d'expulsion sans prendre attache avec une association pouvant les accompagner juridiquement et administrativement en amont. Par ailleurs, les travailleurs sociaux avec lesquels ils sont souvent en lien n'ont pas toujours les ressources ou les contacts nécessaires.