À travers la réforme des retraites, le gouvernement français veut inciter les travailleurs à rester actifs plus longtemps, notamment en raison de l’allongement de leur espérance de vie. Cette mesure permettra en principe d’équilibrer les comptes du régime universel sur le long terme. Selon ses détracteurs, l’initiative ne tient pas compte des inégalités entre les métiers et les catégories sociales. La réforme des retraites implique de grands changements, non seulement pour les travailleurs français, mais aussi pour les organismes œuvrant dans le domaine de la mutuelle retraite. En effet, la durée du travail sera allongée et les principaux acteurs du secteur devront revoir leur organisation en conséquence. Toutefois, le débat est loin d’être clos concernant la pertinence de la modification de l’âge de départ en France. En effet, les décideurs semblent avoir totalement fait abstraction de la pénibilité de certains métiers et de l’espérance de vie en bonne santé des plus pauvres. Ces critères influent pourtant sur la possibilité de continuer à travailler à partir d’un certain âge. Des inégalités problématiques En réponse à l’argument principal du gouvernement, les opposants à la réforme évoquent notamment les inégalités flagrantes entre les espérances de vie des travailleurs en fonction de leurs catégories sociales. Cette objection est d’ailleurs confirmée par des chiffres de l’Insee montrant d’importants écarts dans le domaine selon le niveau de vie des individus. Ainsi, entre 2012 et 2016, les hommes figurant parmi les 5 % les plus aisés avaient une espérance de vie à la naissance de 84,4 ans. Les 5 % les plus pauvres, pour leur part, en affichaient 71,7 ans. Il s’agit ainsi d’une différence de 12,7 ans. L’écart est légèrement moins marqué chez les femmes, avec 88,3 ans contre 80 ans. En considérant leur espérance de vie à partir de 60 ans, les hommes les plus riches et les moins aisés sont séparés par 7,6 ans d’écart. La différence se chiffre à 5,4 ans pour les femmes. Les économistes estiment que ces inégalités remettent en question le fonctionnement même du système des retraites. En principe, le futur régime universel permet d’accorder les mêmes droits à tous, pour chaque euro cotisé. Pourtant, si un cadre supérieur retraité vit vingt ans alors qu’un salarié pauvre en passe seulement dix à la retraite, les cotisations de ce dernier serviront essentiellement à financer les pensions du premier. D’autre part, la France recensait quatre sujets de 20 à 64 ans en 1990 pour un individu de 65 ans et plus. En 2018, ce ratio a baissé à 2,9 pour 1 et pourrait passer à 1,7 pour 1 en 2070. Telle est la projection fournie par le conseil d’orientation des retraites en juin 2019. La gestion et la répartition des cotisations risquent ainsi de se compliquer davantage avec le vieillissement de la population. Un sujet controversé Les défenseurs de la réforme des retraites mettent souvent en avant l’amélioration de l’espérance de vie pour justifier l’allongement de la durée de travail. En effet, l’espérance de vie à la naissance a été évaluée respectivement à 79,7 ans et à 85,6 ans pour les hommes et pour les femmes en 2019. Cependant, cet indicateur reste théorique. Sa portée reste assez limitée dans ce débat. Il est toujours possible de se focaliser davantage sur l’espérance de vie à partir de 60 ans pour être plus en phase avec la question de la retraite. Ainsi, à partir de cet âge, en 2019, les hommes pouvaient espérer vivre jusqu’à 23,4 ans contre 27,8 ans chez les femmes. Avec cet indicateur, il est relativement plus facile d’estimer la durée de la retraite de chaque travailleur. La tendance dans ce cas se révèle également à la hausse, mais de manière moins marquée. En effet, l’espérance de vie après 60 ans augmente plus lentement, avec une progression d’environ un an de 2009 à 2019. De leur côté, les détracteurs de la réforme interpellent souvent sur la différence entre l’espérance de vie à la naissance et l’espérance de vie en bonne santé des travailleurs. Ce dernier indicateur permet d’effectuer des projections en tenant compte de l’état de santé de la population. Par définition, cette estimation indique la durée de vie moyenne des individus sans incapacité ou limitation au quotidien. D’après les chiffres fournis par le ministère des Solidarités et de la Santé, un homme de 65 ans pouvait espérer vivre 10,1 ans sans incapacité, contre 11,2 ans pour une femme en 2018.