En raison de leur condition, les travailleurs sans-papiers hésitent souvent à consulter un médecin par crainte de se faire dénoncer et expulser. Ce réflexe est devenu plus que problématique depuis le début de la crise sanitaire actuelle. En effet, il affecte l’efficacité du système de santé suisse dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Par peur de la délation et de l’expulsion, les sans-papiers évitent autant que possible d’attirer l’attention des autorités suisses. Cette méfiance les amène souvent à fuir les hôpitaux, même en étant malades. Les soucis financiers tendent également à accentuer ce phénomène. Pourtant, ils ont la possibilité de souscrire des contrats de mutuelle santé dans certains cantons. Le média suisse Le Temps a récemment recueilli plusieurs témoignages montrant la grande précarité des sans-papiers durant la crise sanitaire. Ceux-ci étaient notamment nombreux à faire l’impasse sur le dépistage faute de moyens, d’assurance et surtout de permis de séjour. Les défenseurs des sans-papiers réclament ainsi des mesures fédérales en faveur de cette population. Des revendications pour faciliter la régularisation des sans-papiers Le collectif suisse Sans-papiers est constitué d’ONG, d’associations, de parlementaires, de syndicats et de particuliers. Eu égard aux problèmes révélés par la crise sanitaire, ses différents membres ont récemment formulé des propositions pour améliorer la situation des sans-papiers dans le pays. Les signataires réclament notamment la facilitation de l’accès aux assurances sociales et à la couverture maladie sans affecter le dossier de ces travailleurs. Ces derniers devraient aussi bénéficier aisément d’un statut légal plus stable. En effet, la rigidité de la loi actuelle les incite à l’illégalité, selon le collectif. Ada Marra, conseillère nationale et présidente de la plateforme suisse pour les sans-papiers, note : Il est nécessaire d’améliorer et de simplifier les processus de régularisation, de gommer les divergences entre les cantons, que des programmes comme l’opération Papyrus à Genève soient lancés et qu’un cadre fédéral soit instauré. Ada Marra Dans cette optique, il est par ailleurs indispensable d’harmoniser les mesures concernant les « cas de rigueur ». Ces permis de séjour sont délivrés à une personne ayant vécu en Suisse depuis plus de 5 ans et faisant preuve d’une intégration avancée. Des patients protégés par le secret médical En pleine pandémie de Covid-19, de nombreux sans-papiers ont renoncé aux soins principalement à cause d’une grande méconnaissance du système de santé suisse. Le Temps a notamment rapporté l’expérience d’une jeune femme d’origine équatorienne au CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) en avril dernier. Cette patiente a rapidement quitté l’hôpital par crainte du coût du dépistage Covid et de la délation du personnel. Cette situation a été qualifiée d’inadmissible par le chef du Service des urgences de l’hôpital, le professeur Pierre-Nicolas Carron. Selon le médecin : Papiers ou non, nous prenons toutes les personnes en charge. Si elle n’a pas d’assurance, nous pouvons l’aider à en souscrire une si les conditions sont remplies et nous avons un service d’assistance sociale qui leur permet d’échelonner les paiements ou de trouver une solution pour régler la facture. Pierre-Nicolas Carron Par ailleurs, le principe du secret médical prévaut sur toute autre considération d’ordre administratif, comme la possession ou non d’une autorisation de séjour. Dans la pratique, les professionnels de santé ne sont pas supposés transmettre les données d’un patient aux autorités, sans l’accord de la personne concernée.