Les constructeurs automobiles et leurs concessionnaires subissent une forte pression par rapport aux objectifs à atteindre en matière de CO2. En effet, Bruxelles vise la neutralité carbone sur les routes d’ici 2050. En cas de manquement à leurs obligations pour 2021, les industriels européens encourent une amende de 95 euros par gramme de dioxyde de carbone supplémentaire. Au cours de la prochaine décennie, les modèles propres envahiront progressivement le marché européen de la voiture. Selon les prévisions, 300 nouveaux prototypes de véhicule électrifié feront leur apparition d’ici trois ans. Ces automobiles sont supposées totaliser 20 % de la production sur le Vieux Continent en 2025. Pour l’heure, la part des voitures électriques par rapport à la production globale s’établit à 4 % malgré les prix affichés sur tout comparateur assurance auto. Les autorités européennes n’ont pas manqué de durcir les règles pour atteindre leurs objectifs. Pour les voitures neuves, la moyenne d’émissions de CO2 a été portée à 95 grammes par kilomètre depuis le 1er janvier dernier. Les consommateurs finiront-ils pas se procurer massivement des modèles électriques ? Suite au scandale du dieselgate survenu en 2015, les ventes de voitures qui fonctionnent à l’huile lourde n’ont cessé de baisser en Europe. Elles sont passées à 32 % en 2019, contre 45 % en 2017. De leur côté, les SUV sont devenus de plus en plus plébiscités. Or, ils sont plus polluants que les berlines classiques. Pour respecter les normes européennes, les constructeurs n’ont eu d’autre choix que de miser sur les moteurs électriques. Cependant, ils appréhendent toujours la réaction des usagers de la route face aux modèles munis de batterie. Ces derniers coûtent en effet 10 000 euros de plus que les voitures thermiques. Pourtant, l’incertitude demeure quant à la pérennité des subventions étatiques et la disponibilité des bornes de recharge. Par ailleurs, même si les batteries ont gagné en performance au fil des années, les exigences des acheteurs tendent à se renforcer. C’est ce que constate le directeur d’une structure de veille économique. Face à ces réticences, les fabricants veulent que les consommateurs raisonnent en termes de coût d’usage et non plus en fonction de la valeur d’acquisition. Quoi qu’il en soit, la diminution du prix des batteries devrait permettre aux industriels de réduire le tarif des modèles électriques. Il pourrait se rapprocher de celui d’une voiture standard à l’horizon 2022, comme l’estime le Boston Consulting Group. Les industriels de l’automobile s’inquiètent pour leur rentabilité Les acteurs du secteur automobile risquent de se retrouver en difficulté financière face aux impératifs fixés par les autorités européennes. Les effets de la pandémie de coronavirus ne sont pas près d’arranger la situation. De nombreuses usines à travers le monde ont dû cesser leurs activités et les ventes ont considérablement reculé. En même temps, les fabricants doivent investir des sommes importantes dans la conception de nouvelles technologies et la formation de leurs employés. Les représentants européens de la filière automobile ont donc demandé à Ursula von der Leyen, qui préside la Commission européenne, de revoir le calendrier d’application des normes. En effet, Bruxelles prévoit de baisser de nouveau la quantité minimale de CO2 émise par kilomètre à 81 grammes en 2025, soit une régression de 15 % comparée aux objectifs de 2021. En 2030, elle devrait descendre à 59 grammes (-37,5 %). Maxime Lemerle, qui occupe le poste de responsable de la recherche sectorielle chez Euler Hermes, souligne que les constructeurs ont mis 10 ans à réduire leurs émissions de 25 %. La majorité d’entre eux ne sont pas prêts à réaliser les objectifs fixés par Bruxelles, ajoute Felipe Munoz qui travaille pour JATO Dynamics en tant qu’analyste. Le cabinet estime ainsi que les sanctions infligées aux fabricants dans leur ensemble sont susceptibles d’excéder les 30 milliards d’euros en 2021, soit 50 % des profits qu’ils ont réalisés en 2018. Quelles stratégies les fabricants de voitures emploient-ils pour éviter les amendes ? Au mois de décembre dernier, maintes marques se sont empressées de vendre leurs voitures les plus polluantes à prix cassés. Elles ont aussi revu leur catalogue pour commencer l’année 2020. Par exemple, Mitsubishi France n’écoule plus des modèles lourds qui rejettent plus de 150 grammes de CO2 par kilomètre. Certains constructeurs renoncent à mettre aux normes les petites citadines qui fonctionnent avec un moteur thermique, déjà peu rentables à leurs yeux. En l’occurrence, cette opération leur coûte particulièrement cher. Telle est l’explication fournie par le directeur Recherche & Développement de La Plateforme automobile (PFA), Jean-Luc Brossard. Voici les autres stratégies adoptées par les acteurs du secteur pour aller plus loin dans l’électrification : Installation de plateformes multiénergies pour concevoir tous les types de voitures, comme le fait PSA. Importation d’une quantité importante de batteries électriques depuis l’Asie, à l’instar du groupe Volkswagen. Investissement dans la production de différentes sortes de motorisations hybrides (rechargeables, classiques ou légères). En tout cas, les fabricants n’ont aucun intérêt à surproduire des modèles zéro émission, du fait de leur coût qui impacterait leurs marges. Les autorités apportent leur soutien aux constructeurs Nombre de constructeurs poursuivent, cette année encore, leur programme d’électrification. PSA prévoit par exemple de commercialiser la DS3 Crossback e-Tense, le SUV e-2008 et l’Opel Corsa-e. Ceux qui recherchent un modèle haut de gamme peuvent se tourner vers l’iX3 de BMW ou l’e-tron Sportback d’Audi. Quant au modèle ID.3 de Volkswagen, qui sera vendu en plusieurs versions, le lancement est prévu pour cet été. Sur le marché des voitures à double motorisation, le constructeur français Peugeot compte séduire avec sa 3008 Hybrid4. Avec une puissance de 300 chevaux et une autonomie de 59 kilomètres en mode 100 % électrique, la voiture premium rejette 29 grammes de CO2 seulement par kilomètre. Pour motiver davantage les industriels à atteindre leurs objectifs, les autorités leur accordent des privilèges. Cette année, ils ont droit aux avantages suivants : Fixation d’un coefficient deux fois plus élevé pour les automobiles entièrement électriques (comparées à celui des moteurs thermiques) lors du calcul des émissions de CO2. Octroi d’un bonus sur les voitures dotées d’équipements écologiquement innovants tels que les phares à LED. Prise en compte de seulement 95 % des ventes de chaque marque lors du calcul de ses émissions, ce qui permet au constructeur de ne pas y inclure ses modèles les plus polluants.