Les sinistres corporels représentent un défi important pour les compagnies d’assurance, car ils impliquent des coûts élevés et une dimension humaine très forte. Pour les gérer efficacement, il est essentiel de prendre en compte leur spécificité et leur complexité, ainsi que la nécessité d’une approche personnalisée et à long terme pour les victimes d’accidents de la route. Dans le même temps, la hausse constante des coûts d’indemnisation vient compliquer un parcours déjà fastidieux. Un parcours complexe et à dimension humaine Selon Philippe Froment, responsable du pôle moto chez SollyAzar, Traiter un sinistre corporel grave requiert une approche très différente de celle d’un simple bris de glace. Philippe Froment En effet, le corps humain est irréparable contrairement à une carrosserie de voiture, Josiane Riolacci Souligne pour sa part Josiane Riolacci, responsable du pôle inspection corporelle chez Maif. Dans ce contexte, il est crucial d’ accompagner les victimes tout au long de leur parcours de guérison et de résilience. Françoise Pallu, directrice de l’indemnisation de BPCE Assurances IARD, affirme que La gestion des sinistres corporels exige une grande humanité et une grande sensibilité pour répondre aux besoins spécifiques des victimes. Françoise Pallu Dominique Ryaux, manager des sinistres corporels à forts enjeux chez Axa France, rappelle également que Ce métier est porteur de sens et mobilise des collaborateurs particulièrement impliqués. Dominique Ryaux En fin de compte, l’objectif de la démarche est de permettre une réparation intégrale du préjudice subi par les victimes, Stéphane Guerrier Résume Stéphane Guerrier, directeur des solutions sinistres corporels et GAV chez Generali. Cela nécessite une approche globale et à long terme, ainsi qu’un engagement humain fort pour accompagner les victimes sur le chemin de la guérison et de la résilience. ImportantDepuis l’introduction de la loi Badinter en 1985, l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation doit être intégrale, couvrant tous les préjudices (physiques, psychologiques, patrimoniaux ou extrapatrimoniaux). La « nomenclature Dintilhac » a été mise en place en 2006 pour établir un barème de référence destiné à faciliter le travail des compagnies d’assurance auto et moto. Cependant, cette nomenclature, combinée au cumul des jurisprudences, a fait exploser les coûts d’indemnisation, qui progressent en moyenne de +4 % par an depuis près d’une décennie. Le traitement des sinistres corporels est non seulement un enjeu humain, mais également un enjeu financier majeur. D’après Bruno Foubert, directeur du service clients corporel chez Axa France, Ils constituent moins de 3 % des sinistres automobiles, mais 30 % de la charge sinistres. Bruno Foubert Même constat chez BPCE Assurances IARD, où les sinistres corporels représentent également près d’un tiers de la charge sinistres, soit environ 200 dossiers à plus de 1 M€. Ces coûts peuvent atteindre des montants faramineux, comme le sinistre corporel de 15 M€ réglé par Generali France l’an dernier. Josiane Riolacci privilégie les indemnisations en rente plutôt qu’en capital pour s’assurer que l’argent est vraiment destiné à la victime. Cette solution semble de plus en plus prisée par les tribunaux, car elle est considérée comme étant plus protectrice des intérêts des victimes. La nécessité de nouer une relation de confiance Pour offrir une réponse sur mesure, les équipes d’indemnisation travaillent en étroite collaboration avec des agents sédentaires et des inspecteurs de terrain pour se rapprocher de la victime. L’objectif est d’établir une relation de confiance avec celle-ci, la soutenir, cerner ses besoins médicaux et sociaux actuels et futurs, Explique Élodie Arnone, responsable de proximité à l’inspection corporelle de Maif. Josiane Riolacci précise que L’inspecteur se charge de la planification des expertises et du versement des avances, tandis que le gestionnaire supervise l’évaluation du préjudice, les recours éventuels, les relations avec la Sécurité sociale, etc. Josiane Riolacci De par sa dimension humaine, la gestion des sinistres corporels échappe à l’automatisation, mais n’est pas réfractaire à l’innovation. Ainsi, les processus de gestion ont été simplifiés grâce à la mise en place d’une plateforme d’échanges sécurisés, d’après Bruno Foubert. Il s’agit d’un véritable progrès puisque tous les échanges entre les victimes et leurs avocats se faisaient par courrier avant 2022. ImportantLa diversité des barèmes peut parfois engendrer des conflits, car certains semblent plus avantageux que d’autres dans l’évaluation des dommages. Il est donc crucial que les médecins-conseils de l’assureur, les médecins de recours de la victime et les médecins experts judiciaires soient tous compétents et impartiaux lors d’une expertise. Les sites web de plusieurs avocats spécialisés dans le dommage corporel recommandent à leur clientèle de ne pas se fier aux médecins-conseils de leur assureur qui, selon eux, auraient tendance à minimiser la gravité des dommages. De leur côté, la plupart des assureurs assurent vouloir maintenir autant que possible un climat transactionnel à toutes les étapes du dossier. Le contentieux reste rare, et ne concerne que 2 % des sinistres, Stéphane Guerrier Rappelle Stéphane Guerrier. Dans tous les cas, l’évaluation du préjudice doit être réalisée par toutes les parties concernées avec la plus grande objectivité possible. Un suivi post-indemnisation Selon Aurélia Gérin, fondatrice du cabinet spécialisé CaraVie, Accompagner de près les victimes est essentiel pour assurer leur bien-être et l’aboutissement de leur dossier. Aurélia Gérin Elle soutient que le case management, qui aide la victime à retrouver l’équilibre et la résilience, est une approche qui reste peu connue en France. En effet, Insurello, un spécialiste suédois, a rapidement quitté le marché français en 2021, car personne ne souhaite supporter les coûts supplémentaires associés. Cependant, Generali est l’assureur le plus impliqué dans cette approche. Il a fondé Kareo Horizon en partenariat avec Thélem et Pacifica, qui vise à proposer des solutions d’indemnisation complémentaires répondant aux changements sociaux, notamment le case management. Ce dernier incite le bénéficiaire à être acteur de son propre projet de vie. Bien que peu de dossiers soient éligibles, avec 40 à 50 par an à l’échelle de Generali, chaque réussite est une victoire. À retenir Le parcours de l’indemnisation des victimes d’accidents corporels est long et fastidieux pour les assureurs qui doivent prendre en compte la dimension humaine et l’inflation des coûts dans le traitement de leurs dossiers. Afin de faciliter l’évaluation des dommages et mener à bien la prise en charge des dossiers, il est essentiel que les médecins-conseils de l’assureur, les médecins de recours de la victime, ainsi que les médecins experts judiciaires soient compétents et objectifs lors de l’expertise. Pour les dossiers complexes, il est nécessaire d’accompagner les victimes au-delà de l’indemnisation, afin de favoriser leur retour à un nouvel équilibre personnel, familial, professionnel et social.