Visant à protéger les emprunteurs, la suppression du questionnaire santé prévue par la loi Lemoine pour certaines demandes de prêt a engendré des effets néfastes. Dont des augmentations tarifaires et des exclusions de garantie de la part des assureurs. Décryptage. Une assurance emprunteur accessible à tous, même aux malades. Voici l’un des objectifs qui avait été affiché par la loi Lemoine, promulguée le 28 février 2022. En effet, cette loi a notamment supprimé le questionnaire de santé auquel devaient répondre certains emprunteurs, lorsqu’ils effectuaient une demande de prêt. Du moins, à condition que le montant du prêt assuré par emprunteur soit inférieur ou égal à 200 000 euros, et que la fin de son remboursement intervienne avant les 60 ans de l'emprunteur. Une augmentation tarifaire de l’assurance emprunteur Si l’objectif de la loi Lemoine était louable, l’heure est au bilan. Selon certains professionnels, il n’est pas très positif. Bien au contraire. « Pour tenir compte du fait que nous ne pouvons pas identifier les risques des personnes, nous majorons tous les tarifs qui sont Lemoine », témoigne anonymement aux Echos le chargé de prestations d'un assureur. Et cette majoration tarifaire n’est pas des moindres. Elle s'élèverait entre 15 et 20%, d'après une estimation du pôle assurance de Cafpi. La fin du questionnaire santé ne provoque pas qu’une augmentation tarifaire de la part des assureurs, mais aussi un changement de leurs conditions générales. Delphine Vassard, la fondatrice de DEGE Courtage assurance, indique en effet aux Echos que plusieurs assureurs ont ajouté des exclusions de garanties à leurs contrats. Celles-ci tendent à amoindrir ou annuler la prise en charge de certaines pathologies antérieures à l'adhésion du candidat à l'assurance, lorsque ce dernier ne répond pas à un questionnaire médical. Des exclusions de garantie qui vont “à l'encontre de l'esprit de la loi Lemoine” Selon l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), ces exclusions de garantie sont problématiques. Un avis partagé par la Fédération Française des Diabétiques. « Elles rajoutent des difficultés pour les personnes ayant des risques aggravés de santé, ce, d'autant plus qu'elles s'en rendent compte souvent trop tard », explique aux Echos Jeanne Prat-Diquelou, juriste à la fédération. De son côté, Hélène Feron-Poloni, avocate au sein du cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni, estime que ces exclusions de garanties au titre de l'état de santé ne devraient tout simplement pas exister. « C'est un contournement de la loi. Cela va à l'encontre de l'esprit de la loi Lemoine”, selon elle. Un rapport du CCSF attendu début 2024 En raison de la fin du questionnaire médical, et de la multiplication des exclusions de garantie, Jeanne Prat-Diquelou recommande aux adhérents « de multiplier les devis parce que, même si c'est pénible, c'est en ayant un éventail large qu'ils peuvent savoir s'ils seront bien couverts ». D'ici février 2024, un rapport sera en principe rendu par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), soit deux ans après la promulgation de la loi Lemoine. Ce dernier doit se prononcer si, oui ou non, la loi a facilité l'accès à une assurance-emprunteur de qualité. Et si ce n’est pas le cas, le CCSF pourra proposer des ajustements sur les conditions d'application de la suppression du questionnaire médical.