Récemment, une fonctionnaire a été révoquée après avoir participé à une émission de téléréalité alors qu’elle était officiellement en arrêt maladie. Cette affaire insolite a de nouveau attiré l’attention sur les abus en la matière. D’après les derniers contrôles, 15 % des certificats présentés sont faux. Cependant, les dispositifs pour lutter contre ces dérives se révèlent généralement inefficaces. En France, certains travailleurs n’hésitent pas à prétexter un arrêt maladie pour partir en vacances, faire pression sur leur employeur, lancer leurs propres affaires, etc. Cette pratique frauduleuse existe depuis plusieurs décennies et ne compte pas disparaître de sitôt. De nombreux chefs d’entreprises font ainsi appel à des organismes privés (agences d’expertise, détectives, etc.) pour détecter ces abus. Une fois démasqués, les fraudeurs sont généralement licenciés par leur employeur. Par ailleurs, la Caisse primaire d’Assurance Maladie (CPAM) peut exiger le remboursement de toute la somme versée au faux malade durant sa période de convalescence. Toutefois, le nombre de fraudes découvertes reste encore négligeable par rapport à l’ampleur réelle du phénomène. Un phénomène irréductible En 2004, les faux arrêts maladie étaient déjà au centre des préoccupations de Philippe Douste-Blazy, le ministre de la Santé de l’époque. Cependant, jusqu’à présent, le taux d’arrêts non justifiés n’a pas baissé pour autant. ImportantLe niveau global d’absentéisme a même continué d’augmenter. Durant ces quinze ans, chaque acteur concerné s’est efforcé de prendre des dispositions à son niveau. L’Assurance Maladie, par exemple, s’est appliquée à sensibiliser les entreprises et les médecins sur cette question. Le jour de carence appliqué aux fonctionnaires a par ailleurs permis de réduire les arrêts courts, même s’il a été supprimé puis réinstauré par l’exécutif entre temps. Ironiquement, cette mesure a aussi fait augmenter le nombre d’arrêts longs. L’été dernier, le gouvernement prévoyait de s’attaquer directement à ce problème. Toutefois, le rapport sur le sujet a été remis au Premier ministre en février 2019, une période assez mouvementée pour l’exécutif. Au final, cette question ne faisait pas vraiment partie des priorités et risquait même d’aggraver la crise sociale en cours. Le rapport considéré a été rédigé par Stéphane Oustric, médecin, Jean-Luc Bérard, DRH du groupe Safran, et Stéphane Seiller, magistrat à la Cour des comptes. Pour lutter contre ces fraudes, les auteurs du document ont notamment recommandé de prévoir des jours de carence effectifs dans le privé (les trois jours actuels sont souvent compensés par l’employeur) et de rendre les contrôles médicaux plus rapides. D’autres pistes ont également été avancées, y compris l’amélioration de l’accompagnement des salariés durant leur retour au travail après une absence de longue durée. Seule cette dernière idée a été retrouvée dans le projet de loi pour le financement de la Sécurité sociale en 2020. ImportantExpert en matière de santé au travail et de management, le chercheur Denis Monneuse a, pour sa part, proposé la mise en place d’un bonus-malus . Les entreprises devront ainsi payer des cotisations plus importantes si elles ne s’appliquent pas assez dans la prévention de ce phénomène. Elles s’efforceront dès lors d’améliorer leur système de management interne. Des pertes chiffrées en milliard d’euros Les faux arrêts maladie coûtent cher à la collectivité, même si ces cas sont souvent pris en charge par la mutuelle obligatoire à ses dépens. En se basant sur les 15 % de fraudes constatées et les 7 milliards dépensés par la Sécurité sociale chaque année en indemnités maladie, les analystes évaluent les sommes détournées à environ 1 milliard d’euros par an, dans le privé. Au niveau du secteur public, les pertes sont encore plus importantes. D’une part, l’État indemnise toute la durée des congés maladie, à l’exception du premier jour (depuis la réintroduction du jour de carence). Dans le privé en revanche, la prise en charge de l’Assurance Maladie ne commence qu’au troisième jour. D’autre part, l’absentéisme est nettement plus important dans le public que dans le privé, surtout dans les établissements de santé et les collectivités locales. ImportantD’après les derniers chiffres du rapport annuel de la fonction publique, au moins un arrêt maladie a été enregistré dans l’année pour 34 % des agents de l’État, 37 % des membres des collectivités locales et 39 % du personnel hospitalier. Ce taux ne s’établit qu’à 30 % pour les salariés travaillant dans le secteur privé. Il est toutefois difficile de prouver que cette différence notable est essentiellement due à un nombre plus élevé d’arrêts maladie abusifs. Cependant, comme le remarque la directrice de la Fondation Ifrap, Agnès Verdier-Molinié : Je ne vois pas pourquoi les fonctionnaires seraient plus malades que les autres, alors même que les contractuels de la fonction publique le sont beaucoup moins. Agnès Verdier-Molinié D’après les calculs de cet organisme, l’absentéisme dans le secteur public coûte en tout 10 milliards d’euros. En gardant le taux minimum considéré pour les arrêts abusifs (15 %), le coût des fraudes en la matière dans le public dépasse facilement 1,5 milliard d’euros annuels. Cela dit, le taux considéré est probablement bien en deçà des fraudes existantes en France. Ainsi, le coût réel est sans doute plus grave.