Créée à l’initiative de l’ancienne ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry, la CMU (Couverture maladie universelle) vient de fêter ses vingt ans d’existence. Pour marquer cet anniversaire, elle envisage de faciliter davantage l'accès aux soins à partir du 1er novembre 2019. Des millions de Français pourront ainsi bénéficier de soins supplémentaires et d’une prise en charge adaptée. Plus de 150 000 Français ne disposaient pas de couverture sociale à la fin des années 1990. La ministre de la Solidarité de l’époque a ainsi initié une réforme pour permettre à la population la plus fragile d’accéder plus facilement aux soins. Une fois adoptée, la CMU a été publiée au Journal officiel le mercredi 28 juillet 1999. Le second volet de ce dispositif, la CMU-Complémentaire, a rendu les soins accessibles à plus de 5 millions de Français défavorisés. En effet, sous un seuil de revenu, l’Assurance Maladie prenait en charge les tickets modérateurs, les frais hospitaliers ainsi que les dépassements pour les lunettes et les prothèses auditives et dentaires. Une évolution de la CMU en perspective Les dépenses liées à la CMU ont eu tendance à diminuer ces dernières années alors que celles des autres assurés sociaux augmentaient. Selon l’Irdes, ce phénomène vient notamment du fait que les personnes de plus de 60 ans sont souvent sous représentées au niveau de l’ensemble des bénéficiaires. Avec la réforme de la CMU-C, le nombre de personnes âgées parmi les assurés devrait sensiblement augmenter. En effet, le dispositif fusionnera bientôt avec l’ACS, mise en place en 2005 et destinée aux Français dont les revenus dépassaient de peu le plafond fixé pour la CMU. Comme l’explique le responsable des études de l’association UFC-Que Choisir, Mathieu Escot : Certains l’ont appelée « le chèque santé », car il s’agissait d’une participation fixe au financement d’une mutuelle. Mais c’était très complexe à obtenir et d’un montant trop faible au regard du prix croissant des cotisations. Mathieu Escot Concrètement, seulement 1,3 million de personnes ont sollicité l’ACS en 2018. Selon les observateurs, il ne s’agirait que de la moitié, voire du tiers des assurés potentiels. Dorénavant, tout individu remplissant les conditions prédéfinies aura accès à la CMU-C, contre une cotisation mensuelle variant entre 8 et 30 euros selon son âge. Selon le ministère de la Santé, grâce à cette extension : Les personnes aux revenus modestes pourront disposer d’un complémentaire santé avec un niveau élevé de garantie et une procédure simplifiée. Le ministère s’engage d’ailleurs à compenser les dépenses liées à cette mesure avec une subvention de 40 millions d’euros. Toutefois, d’après les mutuelles, ce montant est encore loin d’être suffisant. Néanmoins, selon le représentant de l’UFC-Que Choisir, Mathieu Escot : C’est vraiment une avancée claire, qui devrait concerner plus de retraités. Ce niveau de cotisation devrait leur être accessible et très vite « remboursé » au fil des soins. Mathieu Escot Un dispositif perfectible En raison de son principe de complémentaire santé gratuit, la CMU-C a été saluée à sa création par les mutuelles et les associations de consommateur. Elle a en effet donné la possibilité de prendre en charge tout ce qui n’était pas couvert par les divers régimes d’assurance obligatoire de l’époque. Cependant, certains professionnels de santé refusent encore de prendre en charge les patients défavorisés, y compris les retraités. En effet, les textes de 1999 leur ont formellement interdit de dépasser les tarifs de base définis par l’Assurance Maladie pour les soins relevant de la CMU. De ce fait, la perte de revenus générée par ce type de patients est jugée comme inacceptable par les praticiens dépassant souvent les honoraires. Pourtant, d’après le Code de la santé publique, cette forme de discrimination est considérée comme illégale. Plusieurs associations ont ainsi saisi le Défenseur des droits concernant certaines pratiques affichées dès la prise de rendez-vous sur les sites dédiés. L’organisme a donc mené une étude auprès de deux plateformes spécialisées et d’un panel de médecins associés à ce type de services. Au terme de l’enquête en décembre 2018, le Défenseur des Droits a constaté que ces plateformes ne disposaient pas d’un encadrement légal suffisant pour réguler leur fonctionnement. Il condamne néanmoins la tendance de ces sites à refuser de soins. Par ailleurs, l’organisme souligne le caractère stigmatisant et discriminatoire des mentions affichées qui visent clairement les bénéficiaires de l’ACS et de la CMU-C. Malheureusement, il n’est pas évident de mesurer l’effet de cette condamnation sur ces professionnels de santé et ces sites spécialisés. La conclusion de l’enquête rappelle pourtant l’illégalité de ces rejets au regard de la réglementation en vigueur en France. De même, la Commission officielle chargée de lutter contre ces pratiques affirme manquer de moyens pour mener à bien sa mission.