Importée tout droit des USA, l’expression « Bobo » ou « bourgeois-bohème » apparue en France au début des années 2000, définit-elle vraiment une catégorie sociologique ? Pour répondre à cette question, nous avons interviewé un des auteurs du livre « Les bobos n’existent pas », Jean-Yves Authier, professeur de sociologie à l’université Lumière Lyon 2 et directeur adjoint du Centre Max Weber. Aller au travail en trottinette, manger bio ou végan, boire du capuccino avec du lait de soja, avoir une barbe à paillettes… tels sont les crimes dont sont accusés les « bobos », cette catégorie sociologique dont tout le monde parle mais qui n’existe pas si on en croit un ouvrage publié fin mars par des universitaires (professeurs, maîtres de conférence, sociologues et géographes) : « Les Bobo n’existent pas », aux Presses universitaires de Lyon, dans la collection "Sociologie urbaine". Une expression fourre-tout Le livre a déjà fait couler beaucoup d’encre. Le titre très journalistique, que l’on soit d’accord ou non, interpelle tous ceux qui utilisent l’expression « bobo ». Les auteurs reviennent ici sur la base sociologique du terme. Et vous l’aurez compris, pour eux, le mot « bobo » directement venu des Etats après la publication du livre « Bobos in Paradise » de David Brooks pour lequel, Sylvie Tissot, Sociologue à l’Université Paris 8 réserve tout un chapitre, n’a pas de base réelle et sérieuse. Pis, il masque des réalités beaucoup plus diversifiées. D’un point de vue scientifique, les « bobos » n’existent pas. C’est ce que j’appellerai une expression fourre-tout Jean-Yves Authier, un des auteurs de l’ouvrage que nous avons interviewé. Les auteurs opposent alors l’expression devenue populaire « bobo » au terme un peu moins vendeur mais plus précis de « gentrification ». Celle-ci met mieux en avant les différentes catégories sociales qui composent notre société. Une étiquette biaisée L’étiquette « bobo »apposée à un lieu ou à des groupes de citadins accompagne souvent une vision naïve du changement urbain et social : un groupe, un café ou un bar qui apparaît dans un espace e changerait brusquement l’identité, la fonction ou la valeur. En réalité, les mécanismes de gentrification prennent du temps, rencontrent des obstacles et sont aussi l’enjeu de luttes symboliques et de confrontations sociales qui sont parfois peu visibles à l’œil nu, mais bien réelles. Si dans les années 2000, le terme était utilisé à des fins plutôt humoristiques, il a ensuite été connoté de manière plus négative avec son appropriation politique. Le mot « bobo » viendrait remplacer la catégorie « gauche caviar ». On peut d’ailleurs constater les différents sens du terme en fonction des endroits où il est utilisé. Par exemple, il n’a pas la même signification dans des quartiers dits « huppés » de la capitale que dans des quartiers plus populaires. Quelles conséquences sur l’immobilier ? Dans l’immobilier, on parle même de « boboïsation », phénomène d’embourgeoisement d’une ville au détriment des classes les plus modestes. Les analyses montrent que l’arrivée de nouvelles catégories sociologiques (les gentrifieurs) redonne de la valeur à ces quartiers, ce qui finit par attirer les acteurs de l’immobilier et faire grimper les prix. ImportantSelon le dernier baromètre LPI-SeLoger, en avril 2018 le prix moyen du m² parisien a dépassé les 10 000 euros/m² avec une progression de +8,1% sur 1 an. A Bordeaux, deuxième ville la plus chère de France, le prix moyen atteint 5070 euros/m² avec une augmentation annuelle de +16,4%. Heureusement, les conditions de prêt immobilier restent exceptionnelles pour ceux qui ont un projet d’achat et peuvent compenser ces hausses. Et surtout, ailleurs en France, les prix restent abordables. « En pointant la focale sur les bobos, on méconnait les vrais ressorts de la ségrégation dans la ville et de l’agrégation des classes aisées », souligne Jean-Yves Authier. Nous vous en parlions d’ailleurs dans notre article sur la publication du 1er Observatoire de la mixité sociale de l’association Habitat et Humanisme : l’OMIS. L’ouvrage « Les Bobos n’existent pas » propose ici une analyse fine d'un phénomène de société que chacun s’approprie selon sa propre vision du terme « bobo ».