Une semaine après la sortie du 1er Observatoire de la mixité sociale « Comment les villes construisent le vivre-ensemble », nous avons rencontré Jérôme Porier, Journaliste au Monde, en charge du projet OMIS porté par l’association Habitat et Humanisme. Fruit de deux ans de travail, l’ouvrage réalisé avec le concours d’un comité scientifique composé notamment d’urbanistes, de démographes et d’architectes, apporte une vision pragmatique d’une notion souvent décriée qui est pourtant un enjeu pour l’avenir des villes. Décryptage. A travers ce rapport, Habitat et Humanisme propose un état des lieux de la mixité sociale en s’intéressant particulièrement à l'Ile-de-France, zone qui concentre toutes les problématiques liées à l’habitat que l’on peut retrouver ailleurs sur le territoire, notamment avec des prix au m² qui explosent à Paris, où ils dépassent dans presque tous les arrondissements les 10 000 euros/m². Un phénomène qui exclue les plus modestes... En publiant ce premier rapport thématique, notre objectif est de faire progresser notre propre réflexion mais aussi celle des institutionnels, des politiques, des partenaires financiers d’Habitat et Humanisme et de la société François Boneu, Président de l’association Habitat et Humanisme Ile-de-France qui œuvre contre le mal-logement. La mixité sociale est une notion qui revient souvent dans les discours politiques. On la retrouve par exemple normée dans la loi SRU (13 décembre 2000) qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants et de 1 500 en Ile-de-France d’atteindre un taux de 25% de logements sociaux d’ici 2025. Qu’est-ce que la mixité sociale ? La notion de mixité soulève encore plus de difficultés de définition et de contours que celle de ségrégation à laquelle elle est très souvent opposée. Si l’on peut comprendre la mixité comme valeur et croyance partagée, en revanche il est difficile d’en donner une définition consensuelle et aucun texte de l’action publique ne s’est d’ailleurs hasardé à le faire. Toutes les réflexions d’acteurs et toutes les politiques menées se sont finalement accordées sur deux critères assez neutres : part du logement social et niveaux de revenus des populations Christine Lelévrier, Sociologue-urbaniste et professeur qui préside le comité scientifique de l’OMIS. Il est donc difficile de la définir et son application est complexe. L’ouvrage reprend d’ailleurs quelques exemples de quartiers qui ont tenté de faire de la mixité sociale, aussi bien à Paris, qu’à Versailles (78), ou Nanterre (92). ImportantSi dans certains cas « ça match », par exemple avec le programme du parc Martin-Luther-King dans le 17ème arrondissement de Paris, dans d’autres, et malgré la volonté des promoteurs, des bailleurs sociaux et des élus, les habitants ne se mélangent pas. Preuve qu’il est difficile de la décréter et de l’imposer partout, et de la même manière. Il faut être capable de penser la ville différemment. De la penser plus inclusive. Une ville qui ne repousse pas les plus pauvres en dehors de la cité. Et pour lutter contre les forces du marché, il faut une volonté forte Jérôme Porier, Journaliste au Monde et chef du projet OMIS pour Habitat et Humanisme. La mixité sociale est-elle une nécessité ? Si on assiste de en plus à des phénomènes de gentrification (ou embourgeoisement des villes), c’est pourtant dans la mixité que se trouvent toutes les richesses d’un pays. Un récent rapport de la Fondation Jean Jaurès pointait d’ailleurs du doigt la sécession des classes favorisées à Paris. Les occasions de contacts et d’interactions entre les catégories supérieures et le reste de la population sont en effet de moins en moins nombreuses. De manière plus ou moins consciente et plus ou moins volontaire, les membres de la classe supérieure se sont progressivement coupés du reste de la population et ont construit un entre-soi confortable Jérôme Fourquet Membre de l'Observatoire des radicalités politiques, Directeur du département "Opinion et stratégies d’entreprise" de l’institut de sondages IFOP. En dépassionnant le débat sur la mixité sociale, ce 1er rapport permet de se rendre compte du potentiel d’apprentissage sur le sujet, posant la question suivante : quelles villes, ou plutôt quelle société allons-nous construire demain ?