Depuis quelques années, les grandes enseignes de distribution sont tombées sous le charme des paiements fractionnés. Ce dispositif consiste à autoriser les règlements en trois ou quatre fois d’une marchandise pendant trois mois. Particulièrement avantageux pour le consommateur, cette pratique inquiète des économistes, qui la considèrent comme un facteur de surendettement. En France, le nombre de dépôts de dossiers de surendettement a reculé de 15 % en 2021, par rapport à 2019. 121 000 demandes ont été soumises aux commissions. Sur ce total, 56 % de requérants n’ont jamais eu recours à cette procédure. L’endettement global de ces ménages s’élève à 4,9 milliards d’euros, avec une moyenne de 16 075 euros hors prêts immobiliers. Dans son rapport annuel, la Banque de France note un accroissement des crédits de consommation dans l’endettement des ménages. L’essor des nouvelles facilités de paiement, comme les règlements fractionnés, est-il en cause ? Rien ne permet de relier avec certitude ces deux phénomènes. Un mode de règlement qui préoccupe Bruxelles Les dettes de consommation, comme les prêts immobiliers, peuvent faire l’objet d’un rachat de crédits, si le taux d’endettement du consommateur le permet. Pour Bruxelles, le succès grandissant de nouvelles facilités de paiement, comme les règlements en plusieurs fois, risque de bouleverser ce fragile équilibre. Le point de vue de la Commission européenne n’est pas dénué de logique. Les achats fractionnés, lorsqu’ils sont inférieurs à 200 euros ou ne durent pas plus de 3 mois, n’entrent pas dans la définition légale du crédit à la consommation. Les consommateurs pourraient facilement succomber à cette tentation et devenir plus vulnérables au surendettement. Bruxelles craint aussi les abus potentiels des organismes de crédit et des enseignes de distribution. Puisque ces paiements fractionnés ne sont pas considérés comme du crédit, ils ne sont pas soumis aux mêmes règles que le prêt personnel, notamment en matière de taux d’usure. Leur coût réel peut être élevé, surtout pour un ménage qui accumule les facilités de paiement. La Commission européenne souhaite ainsi inclure le paiement fractionné de moins de 200 euros dans le cadre légal du prêt conventionnel. Le Parlement européen devrait discuter de cette proposition dès cet été, durant la révision de la directive paiement. Une pratique encore marginale en France Le ministère de l’Économie ne partage pas forcément la position de Bruxelles. L’administration française reconnaît volontiers l’intérêt d’encadrer cette pratique. Cependant, Bercy prône l’application d’une réglementation allégée des paiements fractionnés par rapport aux textes de droit commun. La ligne adoptée par la France est liée à la marginalité de ces facilités de paiement. Selon les estimations les plus récentes, entre 4 et 5 % des paiements seraient fractionnés dans le pays. Cette proportion monte jusqu’à 25 % dans les pays nordiques. Les commerçants français comptent rattraper ce retard assez rapidement. Les grands groupes, tels que Leroy Merlin, Fnac-Darty et Decathlon l’ont déjà adopté et les petits commerçants physiques suivent également la tendance. Face à cet engouement général, les entreprises telles qu’Oney, Floa, Alma et Klarna – spécialisées dans les facilités de paiement – multiplient leurs offres. Pour beaucoup, le paiement fractionné contribue à la diversification des solutions de règlements accessibles aux consommateurs. Cette pratique pousse les petits commerçants à se digitaliser, sans oublier son impact bénéfique sur le chiffre d’affaires, surtout en période de crise.