En raison de la crise sanitaire, les grands groupes bancaires passent des provisions supplémentaires pour se prémunir d’une probable hausse des créances irrécouvrables. Bien que tous ne soient pas exposés de la même manière, les acteurs du marché s’accordent sur le fait que le risque est principalement lié au crédit à la consommation. Situation contrastée due à une exposition inégale sur le prêt conso… JP Morgan a mis de côté environ 8 milliards de dollars au titre des créances irrécouvrables au premier trimestre, soit plus de 3 % des emprunts accordés par le groupe sur une base annualisée. De son côté, la Deutsche Bank a augmenté les réserves pour créances douteuses de 500 millions d’euros, ce qui ne représente que 0,4 % de l’encours total de crédits. Plus que la nonchalance des banques au sujet de la crise des coronavirus, pour les observateurs, ce contraste serait dû à une exposition inégale aux prêts à la consommation, qui empêche une comparaison fiable. La déclaration des prêteurs n’est ventilée que par secteur et par région, mais non par pays ou type de garantie. Ainsi, deux prêteurs ayant des expositions apparemment similaires sur le transport aérien et les hypothèques pourraient en réalité avoir des profils de risque très différents. Il est donc difficile de juger de l’adéquation des provisions pour créances irrécouvrables aux éventuelles pertes futures. … mais aussi aux différences de règles comptables et d’aides gouvernementales Les règles comptables varient également. Les banques américaines sont censées provisionner des pertes tout au long de l’existence d’un prêt, tandis que leurs homologues européens ne sont contraints de le faire que lorsque la qualité du crédit se détériore. De plus, face à la pandémie de coronavirus, les gouvernements ont pris des mesures différentes. Par exemple, la Grande-Bretagne a adopté un régime de garantie des salaires pour maintenir les emplois et soutenir les ménages. Pendant ce temps, le chômage a grimpé en flèche en Amérique. Or, ces politiques publiques ont leur importance lorsque les banques intègrent les prévisions économiques à leurs modèles. Il existe néanmoins un moyen de mettre les chiffres en rapport. En premier lieu, les économistes doivent étudier les provisions totales pour créances irrécouvrables de chaque banque au lieu de se contenter de la somme supplémentaire mise de côté au cours du précédent trimestre. Ensuite, ils doivent se focaliser sur le prêt à la consommation, associé à certaines des plus grosses créances irrécouvrables pour des enseignes telles que JP Morgan ou Barclays. L’analyse révèle que plus la concentration d’une banque sur le crédit à la consommation non garanti est élevée, plus la part des provisions sur le total des prêts est importante. Il existe également une forte corrélation entre les expositions des banques au crédit à la consommation et le montant de leurs créances irrécouvrables au premier trimestre. Un risque de défaillance susceptible de toucher d’autres segments de crédit Important Les prêteurs semblent miser sur le fait que les défaillances seront concentrées sur le crédit à la consommation. En effet, il semble logique qu’un emprunteur en difficulté soit plus susceptible de cesser de payer des intérêts sur un prêt non garanti, comme les dettes sur carte de crédit, que de risquer de perdre sa maison en faisant l’impasse sur le remboursement de son crédit hypothécaire. En outre, le montant à recouvrer par la banque est moindre. Pourtant, les risques pourraient facilement s’étendre à d’autres segments du marché du crédit. L’immobilier commercial, notamment, pourrait subir un choc brutal si les entreprises décidaient de poursuivre le télétravail après le confinement. Sans compter que lorsque les mesures de relance gouvernementales prendront fin, les PME surendettées seraient encore plus vulnérables, tandis que le chômage massif entraînerait une explosion des défauts de paiement. Enfin, faut-il rappeler qu’en 2008, bien que peu de banques aient accordé des prêts hypothécaires directement aux profils à risque, beaucoup ont enregistré d’énormes pertes sur les titres adossés à ces dettes. La plus grande prudence reste donc de mise pour tous les acteurs du marché.