Alors que certains cabinets d’affaires ont très tôt compris l’intérêt de la dématérialisation, d’autres semblent avoir raté le train de la révolution numérique. Cependant, sur le plan « digital », les services juridiques français accusent du retard, mais disposent toutefois d’une grande marge de progression dans ce domaine. Vers l’uberisation des services juridiques La déferlante numérique n’aura épargné aucun secteur économique. Après les voyages, les transports, l’hôtellerie ou les banques, c’est au tour des services juridiques d’assister à la montée en puissance du digital. Apparus il y a quelques années, de nouveaux acteurs issus du monde numérique ont discrètement émergé sur le marché. On les appelle les « disrupteurs ». Ces sites Internet permettent aux consommateurs d’obtenir des documents administratifs et juridiques en ligne ou encore d’entrer en contact avec les avocats « partenaires » du site, tout en profitant de gain de temps (simplicité du service) et d’argent (prix attractifs). D'autres plateformes offrent même la possibilité de créer son entreprise en quelques clics, et fournissent des conseils juridiques aux TPE et PME, le tout à des tarifs imbattables. En matière judiciaire, certains sites permettent de saisir le Tribunal par Internet sans avoir à payer les frais d’avocats, c’est notamment le cas de Demander justice ou de Saisir Prud’Hommes, ou de réaliser des actions collectives, comme c’est le cas du site Action Civile, qui avait par exemple réuni 210 000 personnes contre l’assurance emprunt immobilier des banques françaises. Il n’y a rien d’étonnant à leur succès. En effet, ils ont réussi là où les cabinets d’affaires ont échoué, c’est-à-dire en cherchant sérieusement à cerner les attentes des consommateurs, et en tirant parti de l’effet de levier de la Toile. Les cabinets d’affaires doivent s’adapter Mais en dépit du fait qu’ils ont saisi très tôt l’intérêt de la dématérialisation, les cabinets d’affaires accusent toujours du retard. Certes, de nombreuses structures ont intégré les nouvelles technologies à leur fonctionnement. Mais celles-ci restent en retrait dans le digital. Elles n’ont pas su profiter pleinement de son potentiel. « Les avocats ont adopté des usages basiques du numérique qui facilitent leur exercice professionnel », analyse Thierry Wickers, ancien président du Conseil national des barreaux. Pourtant, ce n’est qu’une question de temps avant que les vents libéraux des start-ups numériques ne parviennent à faire sauter un à un les verrous règlementaires qui servent à protéger ce marché de l’arrivée de nouveaux concurrents. Et la pression consumériste, tirant davantage les prix vers le bas et emmenée par sa quête de l’instantanéité, aura à terme raison de la profession, qui sera à ce moment obligée de se réinventer pour assurer sa survie. Pour de nombreux spécialistes, les métiers juridiques doivent tirer parti de la révolution numérique et non pas la subir. Ils ont intérêt à faire évoluer leurs technologies, et revoir l’ensemble de leur modèle économique.