Un reste à charge (RAC) nul lors de l’achat d’appareils auditifs, de prothèses dentaires et de lunettes. Voilà ce qui attend tous les adhérents à la complémentaire santé solidaire et les assurés disposant d’une couverture santé responsable. Qu’implique cette mesure prise par le gouvernement pour les mutuelles santé et pour les patients ? Dans le but de favoriser l’accès aux soins au plus grand nombre, l’État a instauré la réforme « 100 % santé ». Son application est progressive et s’étale de 2019 à 2021. Conformément aux attentes de la Mutualité Française, en résultera-t-il des services de soins qualitatifs ? En tout cas, les professionnels de la complémentaire santé devront relever de nombreux défis. Par exemple, ils devront adapter leurs contrats, alors qu’ils ne disposent pas de toutes les données leur permettant de les tarifer convenablement. Ils devront aussi composer avec les effets des évolutions réglementaires. Mais quoi qu’il advienne, les mutuelles devront assurer leur rentabilité et trouver des moyens de se démarquer. Une réforme coûteuse pour les professionnels Selon le directeur général de la Mutualité Française, Albert Lautman, les mutuelles devront engager des dépenses colossales pour s’aligner sur les dispositions du RAC 0. En estimant les coûts devant être supportés jusqu’en 2024, il en ressort une somme de 320 millions d’euros. Dans le détail, les garanties incluses dans les contrats devront correspondre au cahier des charges, sachant qu’elles peuvent se compter par dizaines de milliers chez certains assureurs. C’est ce que confirme Benjamin Laurent qui travaille chez Klesia en tant que directeur de l’offre. Les mutuelles devront aussi se donner les moyens pour s’adapter aux nombreuses modifications apportées à la réglementation. Albert Lautman livre quelques précisions sur le sujet : « Le 100 % santé a imposé des modifications importantes dans les systèmes d’information et les processus de gestion. Les principales contraintes, aujourd’hui, sont techniques et concernent la transmission des informations, notamment avec l’Assurance Maladie, dans le cadre de l’adaptation des flux à la nouvelle nomenclature ». Albert Lautman. Les offres et le mode de communication devront se démarquer Si la réforme « 100 % santé » veut que les garanties formulées dans les contrats soient standardisées, les complémentaires devront miser sur la pédagogie pour faire la différence. C’est ce qu’indique une consultante exerçant dans le domaine de la santé, Noëlle Chevesson. En même temps, les mutuelles devront continuer à expliquer le contenu de leurs offres de contrats aux usagers. Elles devront aussi faire preuve d’inventivité dans la conception de leurs produits. Benjamin Laurent donne quelques idées : « D’abord sur la prise en charge au-delà du reste à charge zéro des postes lourds comme l’hospitalisation ou sur les dépassements d’honoraires. Ensuite, elle se jouera sur le réseau de soins attaché au contrat avec des tarifs négociés auprès des professionnels de santé puis sur l’ensemble des garanties et services autour du bien-être, de la prévention ainsi que sur les remboursements non pris en charge par la Sécurité sociale ». Benjamin Laurent. Vers une hausse des tarifs ? Le gouvernement invite les assureurs à ne pas augmenter leurs tarifs suite à l’application du RAC 0. Or, ces professionnels tiennent à ce que leurs états financiers restent en équilibre grâce par exemple à la maîtrise des frais de gestion comme le précise Lætitia Mariaccia, qui dirige la Mutuelle Sorual en Alsace. D’ailleurs, certains observateurs appréhendent le jour où les complémentaires santé inciteront leurs clients à acheter des équipements non remboursables pour couvrir leurs dépenses. Pour l’heure, les professionnels demeurent dans l’incertitude. Ils déclarent ne pas détenir toutes les informations leur permettant de fixer correctement les tarifs des nouvelles polices d’assurance, l’étude d’impact n’ayant pas été réalisée. De plus, ils critiquent la réforme sur l’absence d’un accord portant sur la consommation des assurés et sur les coûts additionnels prévisionnels incombant aux entreprises qui y contribuent. En tout cas, la Mutualité Française prévoit une croissance naturelle (3 % en moyenne) des prix de la couverture en 2020.