Il y a 25 ans, en 1990, se tenaient en Allemagne de l’Est les premières élections libres depuis la guerre. Le dirigeant bulgare, Jivkov était arrêté quand le polonais Jaruzelski démissionnait. Le « bloc de l’Est » se fissurait. Un quart de siècle plus tard, les pays d’Europe centrale et orientale ont réussi une mue formidable, accueillant l’économie de marché et la démocratie.
La convergence des économies, des modes de vie et des mœurs de « l’Est » vers « l’Ouest » est incontestable. Cependant, les économies d’Europe centrale et orientale conservent, sous certains aspects, une identité toute particulière. Le marché immobilier en constitue un exemple éclairant.
Dans l’immobilier neuf, l’écart de prix au m² est de 1 à 3 entre les PECO et l’Europe occidentale (contre 1 à 2 pour l’ensemble des biens et services). La faiblesse des prix de l’immobilier tient au legs communiste d’un stock élevé de logement.
Parallèlement à une offre élevée, la demande de logement est peu dynamique. La démographie des PECO est atone, les jeunes restent tard dans le foyer familial (entre 30 % et 57 % des 25-34 habitent chez leurs parents contre 11 % en France) et les seniors sont accueillis par leurs enfants.
Le logement familial est intergénérationnel et la demande se réduit d’autant (à l’inverse notamment des pays scandinaves).
Le taux de propriété bas tous les records continentaux avec une moyenne de 86 %. Lors de la transition vers l’économie de marché, les logements ont été privatisés, créant une immense vague d’accession à la propriété. Pour autant, des équivalents de nos logements sociaux ont perduré, regroupant 9 % de la population de la zone.
Entre le nombre élevé de propriétaires et l’existence d’un parc social, le parc locatif privé est quasi-inexistant. Record pour la Roumanie où seul 1,4 % de la population loue son logement dans le parc privé.
Nombreux, les propriétaires immobiliers des PECO ont la caractéristique d’être très faiblement endettés. Seuls 10 % ont un prêt ou une hypothèque en cours et l’encours de crédit immobilier par ménage est partout inférieur à 10 000 €.
L’héritage communiste ne tient pas seulement dans le volume de logements mais aussi dans leurs caractéristiques. Les habitations sont plus petites :
Conséquence directe, un tiers des habitations sont surpeuplées (contre 17 % dans l’UE). Plus exsangues, les logements sont aussi moins équipés.
n’ont pas de toilettes intérieures avec chasse d’eau.
En Hongrie, en Lettonie et en Slovénie, plus du quart des logements sont considérés comme insalubres (contre 15 % dans l’UE). La chance des ménages est donc toute relative : dans une logique extensive, la construction de logements s’est faite au dépend de leur qualité.
Ce détour par les marchés immobiliers d’Europe centrale et orientale nous rappelle une donnée fondamentale : l’immobilier est un secteur du temps long. Les choix politiques, les aspirations sociétales, les évolutions démographiques structurent le marché pour des décennies et mutent lentement.
Quand la politique et les entreprises des anciens pays du bloc de l’Est se sont adaptées en quelques années, le marché immobilier continue d’être traversé par l’héritage communiste. Pour le meilleur, le stock élevé de logements et la faiblesse des prix ; mais aussi pour le pire, la faible qualité de l’habitat. Aux pouvoirs publics de favoriser la rénovation et la modernisation du parc. Nos voisins est-européens deviendront alors des propriétaires comblés.
Rédacteurs : Nicolas Bouzou et Charles-Antoine Schwerer
Économiste et directeur-fondateur du cabinet de conseil et d'analyse économique Asterès, Nicolas Bouzou est membre du Conseil d'Analyse de la Société auprès du Premier Ministre, directeur d'études à la Law & business school de Paris II Assas, vice-Président du Cercle Turgot et chroniqueur sur Canal Plus. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Le Chagrin des Classes Moyennes, Lattès, 2011.
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